Le 10 novembre 2022, le lycée George de la Tour de Metz a accueilli l’écrivaine nord-irlandaise Jan Carson, dans le cadre d’une conférence pour les classes de Lettres Supérieures et de Première Supérieure de la classe préparatoire de lettres. La conférence, marquée par un anglais au fort accent nord-irlandais, est une exploration de l’œuvre de JanCarson et de ses rapports avec la société de son pays d’origine.
L’écrivaine explique, en guise de préliminaires aux questions qui seront ensuite posées par quelques élèves, qu’avoir grandi en Irlande du Nord pendant la période des “Troubles” (une période de violences et d’agitation politique qui débute dans les années 1960 et se termine en 1998 avec le “Good Friday Agreement”) fut particulièrement marquante pour elle. Elle décrit l’extrême division de la société nord-irlandaise entre communauté catholique traditionnellement républicaine, et communauté protestante unioniste, et ce à toutes les échelles de la société (de l’éducation à la politique, en passant par l’espace urbain divisé par des “murs de la paix”), ce qui l’a particulièrement affectée dans sa manière devoir le monde.
C’est pourquoi Jan Carson, pourtant issue d’une famille protestante, porte durant cette rencontre un discours prônant la fin de cette ségrégation ; elle évoque notamment dans la conférence l’ouverture progressive d’écoles laïques qui accueillent des élèves issus des deux communautés. Malheureusement, ces écoles ne représentent que 9% des écoles enIrlande du Nord.
Ce discours se retrouve dans certains de ses livres, notamment The Fire Starters (2019), qui est très imprégné par l’expérience de ce qu’elle a vécu en Irlande du Nord. En effet, certains des événements qu’elle y évoque sont directement issus de ses souvenirs d’enfance ou d’adolescence, comme les feux de joie allumés chaque été dans les zones protestantes pour commémorer l’appartenance de l’Irlande du Nord au Royaume-Uni, et qui ont donc une signification symbolique.
Ce tableau de la société nord-irlandaise, brodé d’anecdotes personnelles et d’événements historiques, fait ensuite placeà une interview de l’écrivaine par plusieurs élèves. Les questions, portant sur son œuvre, mais aussi sur sa vie en tant qu’écrivaine et en tant que nord-irlandaise, donnent lieu à des réponses variées qui nous plongent dans une existencerythmée par l’écriture et marquée par les problématiques liées à l’Irlande du Nord.
Jan Carson explique ainsi sa routine d’écriture (idéalement, deux heures chaque matin pour écrire au moins mille mots), évoque ses écrits passés et ses sources d’inspiration, donne son point de vue sur les questions relatives aux enjeux inhérents à sa nationalité (le Brexit, la place des femmes dans la société nord-irlandaise, etc) et sur sa propre écriture. Autant d’éléments qui permettent aux élèves et aux professeurs présents de faire l’expérience des explications et des interprétations toujours uniques qu’un auteur fait lorsqu’il lui est demandé d’examiner un point précis de sa vie ou de son œuvre. Intérêt qu’évoque Lisa Bernhardt, élève de Première Supérieure en spécialité anglais : “C’était très intéressant d’avoir le point de vue de quelqu’un qui a vécu les événements en Irlande du Nord, ça créait une immersion dans cette société grâce au fait que c’était plus qu’une explication historique, puisque Jan Carson ajoutait beaucoup d’anecdotes personnelles.”
D’autant plus qu’à cette conférence se joint un projet initié par les professeurs d’anglais des classes préparatoires de lettres consistant en l’écriture de micro-fictions sur le modèle des Postcard Stories (2017) de Jan Carson. Ces dernières ont été ensuite lues par l’écrivaine ; et s’il lui était compliqué de pouvoir faire des retours personnalisés pour chacune des nombreuses micro-fictions, elle a néanmoins pu prodiguer des conseils généraux d’écriture qui ont certainement été profitables aux quelques écrivains en herbe.
Le rencontre avec Jan Carson fut donc enrichissante sur de nombreux points. Les professeurs d’anglais, qui ont organisé cette rencontre, s’en déclarent d’ailleurs très satisfaites : « Mes collègues et moi avons été ravies de pouvoir mener ce projet à bien et de permettre à nos étudiants de découvrir un peu plus la littérature et la civilisation nord-irlandaises. Nous avons choisi d’aborder la question de l’Irlande du Nord à travers le cinéma d’auteur, la littérature et l’actualité tout en laissant libre cours à la créativité des étudiants grâce à l’écriture de micro-nouvelles, ce qui est une opportunité rare et précieuse. Enfin, la journée passée en compagnie de Jan Carson a été très enrichissante pour nous qui avons fait connaissance avec une écrivaine fort sympathique et en prise directe avec les enjeux incontournables denotre époque. »
Une rencontre qui aura donc été une véritable mise en lumière de la société nord-irlandaise, atout essentiel pour des étudiants dont le cursus fait prendre une place importante à la culture anglo-saxonne.
Maxime Haudeville, étudiant en Première Supérieure